Marquet, Le "Port d'Alger", écrasé par le soleil, est sans doute peint d'un appartement du Boulevard Carnot. (Le peintre s'était réfugié à Alger quand la France fut envahie). La silhouette de ce Chaland-Grue automoteur figure presque toujours sur ses tableaux portuaires,symbole de l'activité et la prospérité de la vie maritime .
Il fait si chaud dehors, que même le chat se garde bien de s'aventurer sur le balcon, et reste prudement à la lisière du salon.
Lorsque en Juillet l'air est surchauffé ,
Et qu'Alger est livrée au supplice de l'été,
J'abandonne Marquet et son port embué
Dans la gaze légère qui voile les cheminées.
Avec lui je retourne sur le Quai Malaquais,
Me rafraîchir de la Seine et des Peupliers
Un matin d'hiver silencieusement enneigé,
Qu'il a peint du haut de son logis feutré,
Rue Dauphine, un paysage qui l'a consacré.
Mais c'est aussi pour moi un souvenir émerveillé,
Quand je découvris Paris, ayant abandonné Alger
Dans un décor de feu, de sang et de cris baignée
Et que dans le calme ,me promenais sur les Quais
Qui abritent en plein air des livres à tranche dorée,
Offrent au passant le plaisir sans pareil, de feuilleter
Des éditions anciennes que la rouille a tachetées.
Que Marquet a peint du haut de son logis feutré,
Rue Dauphine, un paysage qui l'a consacré.
Paris sous la pluie, Paris tout gris,la Ville dans son manteau de neige, ce fut aussi celui de notre premier hiver de 1962 . Un accueil rude de la Nature quand l'eau gelait dans les conduites et que le verglas vernissait traîtreusement les trottoirs. Et que dire des heures passées à attendre notre tour d'être enregistrés Boulevard Gouvion-St-Cyr en compagnie de familles déracinées et désemparées: combien de temps peut survivre une plante arrachée à sa terre ?
Pauvre bougainvillier de notre balcon algérois, symbole condamné à flétrir, à se dessécher et à mourir de soif ! Mais ce Paris des pavés glissants fut aussi un havre de paix, troublé seulement par les explosions banales de pots d'échappement qui me firent encore longtemps après, sursauter. Dans ma joie de respirer cet air de liberté, j'allais à la découverte de la ville...en tenue d'été ! J'étais jeune, cela est vrai et chaque coin de rue me parlait, je n'étais pas un étranger, car à Alger j'avais déjà longuement lu la "Connaissance du Vieux Paris" par Hillairet . Un cadeau prédestiné !
http://fr.wikipedia.org/wiki/
Et dans mes promenades au hasard de mes pas je pouvais réciter à voix haute aux moineaux sans repos, en écrasant les feuilles jaunes des marroniers et sans me soucier de faire se retourner les passants pressés, les vers immortels de Paul Verlaine :
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine (1844-1896) La "Chanson d'Automne"
De rares passants sous leurs parapluies, et un agent stoique en pèlerine au milieu de la rue. La Seine est haute et les arbres sur les berges se dressent squelettiques comme implorant le ciel. Un autobus de la Régie et des taxis roulent sans bruit que la pluie amortit . Marquet a saisi à coups rapides de son crayon l'essentiel de cet hiver parisien pour l'éternité .
Quand je découvris Paris, ayant abandonné Alger
Dans un décor de feu, de sang et de cris baignée
Et que dans le calme ,me promenais sur les Quais
Qui abritent en plein air des livres à tranche dorée,
Une belle reliure du "Don Quichotte" de Cervantes :
http://fr.wikipedia.org/wiki/
Une excellente photo extraite de :
http://diaressaada.alger.free.
La Grotte où Cervantes se cacha sur les hauteurs du Hamma pour échapper à ses tortionnaires (mais en vain) .
Mais voici que mon pays me poursuit :
Dans un coin de la boite à pigeons*
Je découvre sous du papier cristal
Une couverture fatiguée en carton,
L' expédition dans mon pays natal,
Un bouquin rare,une Histoire de l'Algérie
Que les Capitaines Rozet et Carette ont écrite,
Et que Firmin Didot et Frères, 6 Rue Jacob à Paris
Ont imprimé il y a déjà cent soixante années d'ici!.
Les feuillets décousus presque se détachent,
Et dans la reliure une curieuse bête à moustache,
Mais les gravures et les cartes qui s'y cachent
Sont pour moi comme le Trésor de la Casbah
Qui remplissait la chambre secrète du Pacha.
Le vendeur futé qui me guettait en secret,
Et a vu mes yeux briller, et mes joues s'empourprer
Savoure d'avance quel poisson il va harponner,
Quand dans ce recoin il a posé son hameçon.
Il m'avise poliment du montant de sa rançon :
L'Histoire de l'Algérie est trop belle
Surtout vue du Quai des Tournelles
Alors comme de coutume, je cède à ma passion,
Emporte ces pages fragiles comme les ailes d'un papillon,
Hypothéquant ainsi...une croustillante Pizza aux champignons !
* Au sens propre comme au figuré ! Car souvent le bibliophile ou le curieux n'y trouvera que des revues coquines ou des livres pour touristes sans intérêt. Les livres de valeur n'y sont pas exposés et font l'objet de transactions extra-muros !
Cette édition ancienne, je la garde précieusement ,autant que possible à l'abri de l'humidité et des...pinces-oreilles argentés , ces amoureux des livres qui adorent se faufiler dans les bonnes pages .
Des éditions anciennes que la rouille a tachetées.
Le vendeur futé qui me regardait en secret...
Comme il l'est imprimé en couverture,on peut lire dans la collection
" Les vieilles Provinces de France " : Une Histoire de l'Algérie par Stéphane Gsell, Georges Marçais et Georges Yver. Mais l'Algérie était une jeune Province Française .Elle est morte frappée en plein élan par une balle, française aussi.
Et cet étrange prédicateur que fut Napoléon Roussel, raconté par sa fille :
"Il passa environ une année sur la terre d'Afrique. Toute sa vie il conserva un souvenir lumineux de ce séjour ; le beau soleil, l'indépendance absolue dont il jouissait, la simplicité et l'originalité du genre de vie, l'étude des mœurs encore assez inconnues des Arabes avaient eu pour lui un charme inexprimable. Tout ce qui se rattachait à ce pays conquis était nouveau pour lui comme pour la plupart de nos compatriotes, et aussi intéressant que nouveau. Aussi a-t-il retracé, non sans succès, sous la forme de dialogues avec ses enfants, quelques-uns des souvenirs de ce voyage et de ce séjour, sous le titre de : Mon voyage en Algérie.
Quant au but principal, il ne paraît pas avoir été atteint. Les temps n'étaient peut-être pas mûrs, et les essais d'évangélisation auprès des colons échouèrent devant une indifférence absolue. C'étaient pour la plupart, d'après ce qu'il raconta à un ami, « des gens de sac et de corde,* » aussi éloignés de la repentance du péager que de la justice des scribes et des pharisiens"....
*Les colons eux, avaient fort à faire à évangeliser les marais et leurs fièvres et les terres ingrates . Triste jugement de ce M. Roussel aigri par son échec !
Le soleil ce jour gâte Paris !
Cette superbe photo n'est pas de moi,(hélas) mais de :
http://photossupl.free.fr/007-
Merci à son auteur !
Par un artiste inconnu, à la portée de mes deniers.
Ce remorqueur hardi qui glisse sur la Seine,
Dans l'air humide et ouaté d'un Paris ancien
Avec sa péniche, Quai des Grands Augustins*,
C'est la France que j'ai connue et me console de mes peines.
* Anatole France habitat dans sa jeunesse une belle maison près des Quais de la Seine. Dans le "Livre de mon Ami" , il parle ainsi du don de faire apparaitre le passé:
"Il y a des heures où tout me surprend, heures où les choses les plus simples me donnent le frisson du mystère.
Ainsi, il me parait, en ce moment que la mémoire est une faculté merveilleuse, et que le don de faire apparaître le passé est aussi étonnant et bien meilleur que le don de voir l'avenir. C'est un bienfait que le souvenir. La nuit est calme, j'ai rassemblé les tisons dans la cheminée et ranimé le feu
Dormez chéris, dormez !
J'écris mes souvenirs d'enfance et c'est pour vous trois."
De mon scanner la gravure est sortie en deux couleurs de fond ! L'une pour l'été, l'autre pour l'hiver... !
Voici-dessous un site pour les amateurs de reliures exceptionnelles et inabordables au commun des mortels . Mais les admirer ne coûte rien...
"Émile Maylander, upper cover and spine of binding decorated with center and corner ornaments within a border, on Franz Toussaint, Le jardin des caresses, illustrated by Léon Carré (Paris: H. Piazza, 1914). Reproduced by permission of The Pierpont Morgan Library, New York, Bequest of Gordon N. Ray, 1987."
http://etext.virginia.edu/
Et sous cette riche reliure une édition rare des "Jardins des Caresses ", contes du dixième siècle, traduits de l'arabe par Franz Toussaint dont voici une page intérieure extraite de :
http://arpel.aquitaine.fr/
http://mail.google.com/mail/#
Si vous êtes pressé(e) ne vous offrez-vous pas ces témoignages sur les vrais derniers bouquinistes de Paris :
1) "Sur les ponts"
By Charlton Corbeck -(D'où est extrait le précédent dessin au pastel du bouqiniste au chapeau de paille) .
http://images.google.com/
Et aussi,de rares détails dans :
2) "La Légende des Bouquinistes de Paris":
http://books.google.com/books?
3) Paris mouillé, Paris tout gris nous sourit pour la vie dans les superbes photos de "Paris sous la pluie" , en noir et blanc bien sur ! Quel talent !:
http://christophe.jacrot.
Paris n'est qu'à quelques heures d'avion d'Israel, mais hélas à des années lumières de l'objectivité. Alors, suivant les mots d'Anatole France*, modestement j'essaye de cultiver mes souvenirs, ce qui est plus difficile que de prévoir l'avenir....
*Anatole France,(François-Anatole Thibault (1844-1924), fut une des plus brillantes conscience de son temps. Son courage n'eut d'égal que son talent d'écrivain. Crainquebille est devenu une figure universelle .
http://fr.wikipedia.org/wiki/