Voici un ancien souvenir d'excursion de Comité d'Entreprise:
Non, nous ne sommes pas dans ce Paris triste à mourir du film de Marcel Carné, ou de ces hôtels des courants d'air près des gares aux pas perdus pour toujours, mais dans la localité la plus ancienne et la plus proche de la frontière avec le Liban: Métulla c'est son nom. Établie en 1896, aux pieds du Mont Hermon couronné de neige, a vu lentement grandir ses vergers gagnés sur de la terre caillouteuse et hostile.
Le village de Métulla* (Israel) et en arrière-plan les pentes du Mont Hermon au faîte enneigé:
Un paysage idyllique quand il est silencieux .
Mais moi, jeune et amoureux de la nature, me retrouvais en 1971 chantant et claquant des mains avec mes camarades de travail sur les routes méandreuses de la Galilée. Garçons et filles dans un autobus un peu fatigué, nous allions en excursion respirer l'air frais et pur des paysages bibliques, dissipés comme des collégiens en goguette. Arrivés au pied du Hermon, notre colonne bruyante immédiatement commença une bataille de boules de neige un peu boueuse il faut le dire, car la vraie neige fraîche et blanche du sommet nous était interdite, occupée par des antennes et des coupoles bizarres. La Syrie toute proche se partageait les versants. Malgré le froid de l'altitude, j'étais heureux de courir en manches courtes le long des chemins dans l'insouciance de la jeunesse, avec les filles, ivres de liberté.
Le soir, presque à la nuit car nous nous étions trop attardés, l'autobus ouvrit ses portes devant le petit hôtel de Métulla, et notre guide bénévole nous répartit dans des chambres frustes mais accueillantes. Garçons par ci, filles par là, l'hôtelier n'aimait pas les mélanges ! Mon voisin de chambre était un israélien qui connaissait bien la région, ayant participé en 1967 aux durs combats sur les pentes du Golan. Après les remues-ménages inévitables, le silence reprit son droit sur cet hôtel campagnard, et tous s'endormirent pour reprendre des forces pour le lendemain, qui devait être encore un autre du genre parcours du combattant, à l'horaire serré. Soudain, bien sur je n'ai pas d'autre mot pour rompre ce silence, un bruit épouvantable secoua les murs de notre havre, comme si ma chambre en était l'épicentre. Le barbu, réveillé comme moi en sursaut, comme un vieux grognard de Tsahal me confirma que ce devait être la chute d'une Katioucha(1) dans les parages et alla se recoucher. Déjà dans les escaliers les filles affolées,en chemisette dans le couloir, descendaient vers un abri inconnu, difficilement calmées par le patron de l'hôtel . Après quelques instant, une violente fusillade crépita, rassurante mais inefficace, sur toute la crête. Après l'action, la réaction !.
Le reste de cette nuit hachée-menue passa rapidement en conversations animées.
Tôt le matin, affamés par ces évènements, nous fumes invités au petit déjeuner qui, en Israel, comme chacun pourrait un jour le découvrir est plus consistant qu'un déjeuner européen: omelette, salade de tomate et poivrons à l'huile d'olive , petit-lait, fromage blanc, pain et café. Je crois que c'est une habitude qui vient d'une précaution locale d'avoir le ventre plein le matin, devant l'inconnu de la journée !! (Mais c'est une interprétation toute personnelle!) .
En passant devant le comptoir de l'homme aux clefs d'or, quelle ne fut pas ma surprise de voir, rangés sur une étagère, et bien mis en valeur par un grand miroir, des éclats d'obus, des morceaux de ferraille coupants, alignés comme pour la revue.
Le patron débonnaire, alignait ses trophées de l'année, qui dans un autre pays auraient chassé définitivement les touristes. Étranges, ces étoiles de fer pour un guide Michelin local, à la place de bouteilles aux étiquettes colorées. Je sortis pour reconnaître le terrain dans cette matinée cristalline et ne vis que quelques soldats qui battaient la semelle derrière leur mitrailleuse et leurs sacs de sable. L'entonnoir laissé par la Katioucha devait être quelque part entre un verger de pommes ou d'avocats. Les Tel-Aviviens feraient bien d'inspecter les fruits, avant de les porter à leur bouche ! En fin d'après-midi, nous fîmes halte à Kyriat-Shmona, petite ville de développement peuplée de pieds-noirs, où je n'avais pas besoin de balbutier mon hébreu trébuchant. L'Algérie et le Maroc se retrouvaient dans les épiceries et étals des marchands de primeurs, avec des odeurs de safran et de clémentines. Des vieillards vénérables en longue barbe blanche, sur les bancs de la placette, regardaient en rêvant cette jeunesse moderne et pétulante, qui en bousculait les habitudes.
La route du retour passait le long de la frontière avec la Syrie. A la hauteur de la ville fantôme de Kuneitra(2), que nous pouvions distinguer en retrait de l'autre coté de la route, comme pour nous permettre de mieux en contempler les murs criblés en 1967, le car ralentit et s'arrêta après quelques hoquets. Le chauffeur aussi tête en l'air que ses passagers, avait simplement oublié de faire le plein de son réservoir, et nous voila en panne de combustible, en rase campagne, face aux triangles jaunes menaçants qui signalent l'emplacement des terrains minés. Dévorer cru le chauffeur, n'aurait pas été très utile, car personne n'avait le permis de conduire poids-lourds, et laissant le groupe dans l'autocar, nous partîmes à pieds chercher le long de la route un campement militaire qui devait se trouver pas très loin. A cette heure nocturne, réservée aux chacals et autres rencontres suspectes, peu de chance de trouver une voiture. Arrêtés à l'entrée barbelée, et après avoir essuyé un autre danger ,(de ne pas être reconnus par la sentinelle! ), et expliqué notre cas, nous mîmes le jeune lieutenant dans l'embarras, partagé entre son devoir de ne pas céder de l'essence de l'armée à des civils, et son désir de nous aider. Après quelques coups de téléphone entre le Q.G. de Tel-Aviv*, blotti à x mètres sous terre, nous reçûmes enfin un jerrican, contenant du gas-oil de couleur rouge, réservé à un usage militaire...Mais c'était vraiment un cas de force majeure. Retournés le lendemain à notre tache quotidienne, notre aventure que chacun brodait à son goût, fut rapidement oubliée, car en plus je n'avais pas pris mon appareil photographique. Mais en ces jours, de 2006, où ces localités sont en manchettes des journaux, et subissent les attaques de centaines de fusées, tous les détails me reviennent, et je crains que cet hôtel n'aura pas assez de toutes les chambres réunies pour collectionner ses trophées, lorsque la paix reviendra.
Alors que j'écris ces lignes pour dissimuler mon appréhension que j'avais réussie à cacher jusqu'à présent, ma femme, une Israélienne de naissance, qui était soldate au Sinai en 1967, vient de m'annoncer avec une voix blanche comme la lessive traitée à l'Omo, que les dernières fusées(3) étaient tombées à 40 km de Tel-Aviv. Alors je lui ai répondu, d'un ton décidé qui m'a moi-même étonné, que c'était bien ainsi, car le dénouement n'en serait que plus proche: ou eux, ou nous.
On les aura.!!
* Oui, j'ai un peu exagéré !
(1) A l'origine, un engin balistique soviétique ("Orgue de Staline") tiré soit en salve d'un camion, soit séparément d'un trépied primitif. Une arme préférée des terroristes, au doux prénom russe de Catherine.
(2) Kuneitra est redevenue depuis une ville neuve syrienne bâtie à la frontière.
(3) Depuis 2006 le Hisbola a reçu de Syrie et d'Iran plus de 40 milliers de fusées de tous calibres à courte et longue portée.
*Le cliché de Métulla qui s'est bien agrandie, et du Hermon en fonds est récent, est emprunté au site dont je remercie l'auteur:
http://harissa.com/forums/read.php?67,65798
Je viens de lire cette information:
http://lessakele.over-blog.fr/
Ces engins "Hot" qui vont armer les Gazelles (hélicos) du Liban, en fait deviendront la propriété du Hizbola qui noyaute avec l'Iran d'Ahmedinidjad tout le Liban. Hariri dont le père a été assassiné par le même Hizbola, coopère avec ce parti militaire et religieux, ce qui est invraisemblable aux yeux d'un étranger ! Mais au Liban tout est possible dans ces alliances vénériennes, à partir du moment où elles ont pour but de détruire Israel.
Israel et le Liban n'ont pourtant aucun problèmes de tracé de frontières.
En ce début d'année civile 2011, je souhaite que les voeux les plus chers des lecteurs de bonne volonté se réalisent dans la paix des âmes.
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