8 mars 2014
6
08
/03
/mars
/2014
09:39
Paul Fenasse (1899-1976)
-Hauteurs d'Alger-
Le Dimanche, nous avions coutume de monter à El-Biar pour rendre visite à "tante Paulette", la soeur cadette de mon père. Fine artiste, elle avait peint dans sa jeunesse des aquarelles délicates de "Capucines" qui ornaient notre salon. Hélas, avec l'âge ses mains s'étaient déformées car elle souffrait de rhumatisme et déjà se déplaçait difficilement.
Mais c'était aussi une occasion pour notre famille de nous évader de l'humidité d'Alger, toute bâtie en amphithéâtre face à la mer, et de me faire respirer l'air pur de la campagne. Nous partions du Carrefour de l'Agha, le centre le plus bas d'Alger pour aller à pieds, gravir ces rues et raccourcis pentus qui au sortir de la Ville étaient embaumés d'arbustes de Jasmin, avec des talus de Fenouil à l'odeur d'anis. Pour mes petites jambes ce n'était pas si facile, mais encouragé par mes parents, et distrait par la cueillette de jaunes "vinaigrettes" que je m'amusais à sucer, et avec la découverte d'un Papillon-Roi sur les bords du chemin et autres fragiles merveilles de la Nature, je progressais, enchanté. Dans les escaliers qui coupaient le Boulevard Gallieni taillé dans la roche crayeuse, m'attendait l'ombre d'une murette moussue et sa haie de baies rouges et noires. Des Mûres que je disputais à des abeilles gourmandes et d'autres insectes qui voletaient enivrés du suc de ce paradis naturel. Ainsi, lentement apparaissaient couvertes de grappes de Glycines bleutées, des villas aux fenêtres protégées de croisillons de fer torsadé, de l'époque ottomane.
Eugène-Alexis Girardet (1853-1907)
Mais c'était aussi une occasion pour notre famille de nous évader de l'humidité d'Alger, toute bâtie en amphithéâtre face à la mer, et de me faire respirer l'air pur de la campagne. Nous partions du Carrefour de l'Agha, le centre le plus bas d'Alger pour aller à pieds, gravir ces rues et raccourcis pentus qui au sortir de la Ville étaient embaumés d'arbustes de Jasmin, avec des talus de Fenouil à l'odeur d'anis. Pour mes petites jambes ce n'était pas si facile, mais encouragé par mes parents, et distrait par la cueillette de jaunes "vinaigrettes" que je m'amusais à sucer, et avec la découverte d'un Papillon-Roi sur les bords du chemin et autres fragiles merveilles de la Nature, je progressais, enchanté. Dans les escaliers qui coupaient le Boulevard Gallieni taillé dans la roche crayeuse, m'attendait l'ombre d'une murette moussue et sa haie de baies rouges et noires. Des Mûres que je disputais à des abeilles gourmandes et d'autres insectes qui voletaient enivrés du suc de ce paradis naturel. Ainsi, lentement apparaissaient couvertes de grappes de Glycines bleutées, des villas aux fenêtres protégées de croisillons de fer torsadé, de l'époque ottomane.
Eugène-Alexis Girardet (1853-1907)
-Villa Mauresque-
A travers les grilles du porche, nous pouvions admirer ces résidences de corsaires qui décorèrent leurs patios de faïences hollandaises, butin pris aux Galions par les écumeurs des mers.
La villa de ma tante était simple et toute blanche, mais pour moi c'était un Palais. Au bout de notre promenade, la grande récompense à mon effort était d'entrevoir :
La villa de ma tante était simple et toute blanche, mais pour moi c'était un Palais. Au bout de notre promenade, la grande récompense à mon effort était d'entrevoir :
Tout au fond du chemin Bucknall,
Un portail de fer, peint en vert,
Et un chien-loup, qui aboie, cela est bien normal.
C'est Puck, mon ami d'enfance.
Avec ses oreilles pointues et sa robe grise et blanche,
Un portail de fer, peint en vert,
Et un chien-loup, qui aboie, cela est bien normal.
C'est Puck, mon ami d'enfance.
Avec ses oreilles pointues et sa robe grise et blanche,
Il ressemble tellement à notre chien de faïence,
Assis sur l'étagère du salon, à côté du bougeoir,
Entre le pot à tabac, et le coupe-papier d'ivoire,
Que quelques fois je pense,
Que lui aussi aboie, mais en silence.
Assis sur l'étagère du salon, à côté du bougeoir,
Entre le pot à tabac, et le coupe-papier d'ivoire,
Que quelques fois je pense,
Que lui aussi aboie, mais en silence.
J'aime me promener avec Puck, sur le chemin fleuri,
Et je ris tout haut,
Quand il lève la patte sur les pissenlits,
Sur les bornes, les poteaux,
Et même les chardons en dents de scie.
Car il ne sait pas, comme moi, lire le nom des rues,
Et dans cette foison d'odeurs campagnardes et de crottins de cheval,
Il saura ainsi retrouver son pays natal.
Sur les bornes, les poteaux,
Et même les chardons en dents de scie.
Car il ne sait pas, comme moi, lire le nom des rues,
Et dans cette foison d'odeurs campagnardes et de crottins de cheval,
Il saura ainsi retrouver son pays natal.
Lorsque je caressais sa tête toute chaude,
Il me tendait la patte en guise d'amitié.
Et en voulant l'embrasser,
Ses oreilles me chatouillaient le bout du nez.
Il me tendait la patte en guise d'amitié.
Et en voulant l'embrasser,
Ses oreilles me chatouillaient le bout du nez.
Retournés, tous les deux, au salon de velours bleu,
Au milieux de tous ces parents sérieux,
Qui buvaient du thé, et parlaient de sujets fastidieux,
Je m'allongeais sur le tapis en sa compagnie,
Sous la table ancienne, aux grands pieds arrondis,
Et sans craindre ses canines pointues,
Je partageais mon Kouglof aux raisins secs, qu'il prenait de ma main nue.
Sous la table ancienne, aux grands pieds arrondis,
Et sans craindre ses canines pointues,
Je partageais mon Kouglof aux raisins secs, qu'il prenait de ma main nue.
Un soir, mon père me prit à part,
Et me dit doucement que le chien était malade,
De cette maladie qui, à coup sûr, nous sépare,
Et que dimanche prochain, nous n'irons pas en balade.
Je retenais mes larmes, et fis semblant d'être distrait,
Et me dit doucement que le chien était malade,
De cette maladie qui, à coup sûr, nous sépare,
Et que dimanche prochain, nous n'irons pas en balade.
Je retenais mes larmes, et fis semblant d'être distrait,
Car je sentais que mon père avait les yeux mouillés.
Je passais une nuit agitée, dans mes draps entortillé,
Pensant que ceux qu'on aime, ne pouvaient s'en aller.
Je passais une nuit agitée, dans mes draps entortillé,
Pensant que ceux qu'on aime, ne pouvaient s'en aller.
C'était le triste apprentissage,
Que l'homme apprend en bas âge.
Ainsi, tout en jouant, pendant les soirées,
Je dévisageais mes parents bien-aimés,
Dans l'ombre du salon, sous la lumière tamisée,
En suppliant le Ciel, de ne rien y changer.
Au fil des saisons et des années.....
Ainsi, tout en jouant, pendant les soirées,
Je dévisageais mes parents bien-aimés,
Dans l'ombre du salon, sous la lumière tamisée,
En suppliant le Ciel, de ne rien y changer.
Au fil des saisons et des années.....
Alger, en famille, Papa en permission.(1940)
A deux ans, mon univers était de journées insouciantes à l'ombre protectrice de mes chers parents.
Notes :
El-Biar: "Les Puits"
--------------------------------------------------oooooooooooooooooo--------------------------------------